Marche des femmes anti-Trump : "Je suis très effrayée

Marche des femmes anti-Trump : "Je suis très effrayée

Alors que le programme très conservateur du nouveau président américain Donald Trump menace, entre autres droits fondamentaux, le droit à l'avortement aux Etats-Unis, "Marianne" a rencontré une des dizaines de milliers de femmes qui s'apprêtent à défiler ce samedi 21 janvier, à Washington notamment. Illustration. Manifestation devant la Cour Suprême, à Washington, aux Etats-Unis, après l'élection de Donald Trump. - SIPANY/SIPA Assise confortablement sur une chaise auprès de ses proches, dans un salon coquet de l’ancien quartier gay de Boston, sur la côte est des Etats-Unis, Minna ne décolère pas. Plusieurs semaines après l’élection de Donald Trump, cette ancienne décoratrice d’intérieur à la retraite, grand-mère de cinq petits garçons, n’a jamais imaginé qu’elle ressentirait à nouveau le besoin, à 68 ans, de protester et notamment de rejoindre la "Women’s March" - la marche en défense des droits des femmes – organisée ce samedi 21 janvier à Washington, en marge de la cérémonie d’investiture du 45ème président des Etats-Unis. "Je l’ai fait il y a 50 ans", se souvient Minna, une petite femme frêle au teint clair. C'était en 1973 quand la Cour suprême, qui dicte les lois outre-Atlantique, s’apprêtait à légaliser l’avortement : "Je suis allée manifester pour que la Cour nous donne le droit de pouvoir choisir quoi faire de nos propres corps. Et aujourd’hui, face au virage conservateur promis par les Républicains, tout recommence…". La décision de prendre part à la "Women’s March", mouvement féministe créé sur Facebook aussitôt après l’élection de Donald Trump le 8 novembre dernier, s’est donc imposée comme une urgence pour Minna. Dès le 15 novembre, "j’avais réservé mes billets de train", explique-t-elle, prompte à se joindre avec plusieurs amies du lycée aux dizaines de milliers de personnes attendues à Washington. "Certaines de mes amies ont préféré marcher à Boston, d’autres encore à New York", ajoute-t-elle, alors que des marches sont organisées un peu partout dans le pays et à l’étranger. Toutes motivées par l’opportunité d’envoyer dès "le premier jour du mandat" de leur "nouveau gouvernement" un message fort, précise le manifeste du groupe. Soit leur refus de voir les droits des femmes anéantis par le nouveau locataire de la Maison-Blanche, dont la campagne électorale et a fortiori le programme "font craindre le pire", appréhende Minna. >> Donald Trump, notre mauvaise conscience Le droit à l'avortement menacé Sur la question de l’avortement en particulier, poursuit-elle avant d'énumérer ses inquiétudes : les Républicains veulent non seulement "casser l’arrêt de la Cour suprême autorisant l’IVG mais aussi restreindre l’accès à la pilule du lendemain, couper les financements du planning familial, etc. Je suis très effrayée". En pratique, l’interdiction de l’IVG ne pourrait être prononcée qu’à travers une nouvelle décision de la Cour suprême, bien que Donald Trump ait tenu à réaffirmer dans son programme (adopté lors de la Convention républicaine) "l’aspect sacré de la vie humaine, et le droit fondamental de l’enfant non-né", et qu’il ait de surcroît évoqué - avant de se rétracter -, le principe d'"une forme de punition" pour les femmes qui auraient recours à une IVG. Mais dans la mesure où le futur président pourrait avoir à remplacer, au cours de son mandat, plusieurs des neuf juges de la Cour, nommés à vie, la perspective d’une telle interdiction n’est plus de l'ordre de l'impossible, relève Mina. C’est d’ailleurs ce qui la terrifie le plus : "Ces nouveaux juges dont les décisions pourraient à l'avenir paralyser le pays". Une possibilité évoquée par Trump lui-même à l’occasion de sa toute première interview post-élection, accordée le 13 novembre à la chaîne CBS. Le magnat de l’immobilier s'y réjouissait de l’arrivée de juges "pro-life [anti-avortement]". Mike Pence pire que Donald Trump Les Etats n’ont toutefois pas attendu l’élection de Donald Trump pour faire passer, en 2016, des lois restreignant l’avortement, comme en témoigne la politique menée dans l’Indiana par le futur vice-président, le très religieux Mike Pence, grand pourfendeur des subventions accordées au planning familial ("Planned Parenthood"). "Mike Pence est encore pire que Donald Trump", se désespère Minna. "L’autre jour, un ami évoquait l’hypothèse que Trump se fasse assassiner. Ce serait désastreux parce qu’alors, Pence serait nommé président", conclut-elle tout en reconnaissant que "les Républicains ont été très forts : ils ont réussi à convaincre les gens d’un lien planning familial/avortement, alors que l’IVG ne représente qu’une infime partie des actions conduites." "Or il faut être réaliste, estime Minna, la plupart du temps les enfants ne parlent pas de leur sexualité avec leurs parents." Dans son cas, sa propre fille cadette, mère de deux enfants aujourd’hui, est allée trouver conseils auprès du planning familial lorsqu’il a été question de choisir sa contraception. "Le planning familial a été extraordinaire", se souvient-elle. Cet avis, ils sont nombreux à le partager dans le pays. Après les menaces de Mike Pence, les dons faits au Planned Parenthood ont en effet explosé ; plus de 80.000 donations étaient ainsi comptabilisées rien qu’à la mi-novembre, parmi lesquelles celle de la chanteuse Katy Perry, pop-star de 32 ans, soutien très médiatique de la candidate démocrate Hillary Clinton, qui devrait également être présente ce samedi prochain à Washington, lors de la marche des femmes, aux côtés de plusieurs autres stars hollywoodiennes. "Etre très vigilant" "Qu’on se le dise, concède Minna, je n’étais pas une grande fan d’Hillary. Certaines de mes amies n’ont d’ailleurs pas voté pour elle. Ont-elle pour autant voté pour Donald Trump ?" Si oui, "elles ne le disent pas". Le milliardaire a cependant largement profité du vote des femmes : 42% de leurs suffrages, d'après les chiffres de CNN. Ces électrices ont-elles été séduites par le discours social du candidat, malgré les accusations d’attouchements sexuels et les propos sexistes ? Car si Trump a tantôt qualifié la gent féminine de "grosse truie", de "chienne" ou encore de "bonne à rien" si ce n’est peut-être à se faire "attraper par la chatte", le Républicain a aussi fait campagne sur l’égalité salariale ou la création d’un congé maternité (six semaines) pour les futures mères, alors que le pays en est aujourd’hui encore totalement dépourvu après huit années de mandat démocrate. Il se battra "pour un salaire égal à travail égal", avait effectivement promis sa fille, Ivanka, une femme d’affaires à succès de 34 ans, lors de la convention républicaine de Cleveland l’été dernier, où elle était invitée à prononcer un discours. "Quelqu’un a fait des recherches sur les mesures Santé mises à disposition des employés d'Ivanka Trump. Résultat : ceux-ci n’ont aucun accès particulier aux soins. Comment peut-elle faire ce type de discours sans en faire bénéficier les salariés de sa propre compagnie ?", pointe toutefois Minna. Pour elle, il est donc temps pour les Américains de s’engager, par tous les moyens possibles, y compris... la marche. "Tout le monde, pas seulement les femmes, doit maintenant être très vigilant…" A lire également >> Sur les campus de Boston, la chasse au vote "jeune" des pro-Clinton se heurte à la désillusion des pro-Bernie >> Trump or not Trump ? Reportage au Colorado, un de ces "swing states" qui vont décider de l'élection américaine

 

Date de dernière mise à jour : 21/01/2017

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